Du Hip-Hop Dévastateur
Quand je vous ai parlé de Clipping il y a quelques semaines, je vous expliquais non sans puissance verbale l’intérêt d’une abstraction quasi-bruitiste du genre hip hop. Et dans le cadre de cette série consacrée aux albums oubliés de 2012 avec mes confrères les seigneurs Ferrandes et DJK, je me devais de vous parler d’un groupe qui a créé le buzz dans les blogosphères hipstero-underground élitistes.
Death Grips, c’est ce qui se passe quand Zach Hill, batteur neurasthénique membre de Hella, fait des instrus avec le synthétique Flatlander, et que sur ces instrus rappe une sorte de psychopathe aux faux airs de SDF sous crack nommé MC Ride. Le résultat ?
Hip hop expérimental/indus/noise/ce que vous voulez. En tout cas, Death Grips font salement mal. Et après la sortie de la Mixtape Exmilitary, un contrat avec Epic Records (en effet) leur permet de sortir deux albums durant l’année de 2012. Albums qui auront pour titre The Money Store et NO LOVE DEEP WEB.


Lourd artwork, vous en conviendrez. A gauche, The Money Store, à droite, la pochette alternative de NO LOVE DEEP WEB. Vous ne voulez pas connaître la pochette originale.
Personnellement, j’ai entendu parler des Grips après la sortie de NO LOVE DEEP WEB, et force est de constater que ces albums ont une trempe absolument ahurissante. Même Dälek ne pouvait sonner aussi malsain et neurasthénique. Les productions varient entre les deux albums, The Money Store usant de hooks et de refrains accrocheurs (Hacker, The Fever (Aye aye), Get Got ou encore Lost Boys font totalement mouche) tandis que NO LOVE DEEP WEB est un album plus atmosphérique et repose moins sur la rythmique, le morceau devenant un déversement continu de violence dans une ambiance noire (No Love et Lock Your Doors sont des exemples flagrants).
Au niveau flow, Ride éructe, hurle, s’arrache, s’époumone. Il est le centre de toute l’agression qui ressort dans la musique de Death Grips. Il ferait presque peur, notamment dans le chef d’œuvre qui ouvre NO LOVE DEEP WEB, Come up and Get me, où il libère toute sa paranoïa et toute sa folie dans son personnage fasciné par la crasse qui l’entoure, qui tue, viole, se drogue dans les bas fonds les plus ignobles de Sacramento. Ou d’autre part.
Car oui, il ne s’agit pas dans Death Grips de textuellement parler de son bling bling, de ses exploits sexuels. Non, Death Grips hurle le fond de l’existence avec tout ce qu’elle comporte de violence (Hunger Games), de paranoia (Lock Your Doors) et de dépression (« It’s all suicide, it’s all suicide » dans World of Dogs). Et également de rébellion, comme dans Hacker ou System Blower. Si les textes sont grandiloquents dans The Money Store, ils sont plus introspectifs dans NO LOVE DEEP WEB, et ce tout en gardant l’ambiance et le contexte de base.
Mon conseil ? Ecoutez les deux. Ainsi que Exmilitary, disponible gratuitement sur le site internet de Death Grips. Et vous n’en reviendrez pas.
A écouter d’urgence : Sur The Money Store : The Fever (Aye Aye), Hacker, Lost Boys. Sur NO LOVE DEEP WEB : No Love, Come up and Get Me, Lock Your Doors